René Louis Thoulouse fut le fondateur et le propriétaire de l’habitation Risquetout. Né à Cayenne le 17 juin 1772, il décéda à Montsinéry le 18 avril 1835. Il fut inhumé avec sa femme dans la chapelle privée de son habitation, devenue après l’abolition de l’esclavage, la première église paroissiale de Montsinéry.

Les plaques tombales des époux Thoulouse se trouvent à l’entrée de l’église Marie-Immaculée du bourg actuel et sont inscrites Monuments historiques depuis le 26 novembre 1992.

Les habitants de Montsinéry ont gardé en mémoire les dispositions testamentaires de Thoulouse en faveur de ses esclaves. Le testament olographe, datée de Risquetout du 10 mai 1834, augmenté d’un codicille du 27 novembre, fut déposé chez le notaire Voisin le 25 avril 1835.

La première minute du dépôt de testament n’a, semble-t-il, pas été conservée en Guyane : Me Marie-Claude Parfait, successeur de Me Voisin, n’a en effet pas versé les archives correspondant à cette année. Les archives départementales de Guyane proposent les seules années 1836-1837.

La seconde minute, conservée à Aix-en-Provence aux archives nationales d’outre-mer, est en revanche tout à fait consultable.

La transcription intégrale de ce document, d’une longueur plutôt inhabituelle, permet d’apprécier la réalité des dernières volontés du défunt, notamment son article 9, relatif à ses esclaves. Les dispositions n’engageaient pas forcément les héritiers à les respecter.

« Je déclare à mes héritiers, en la personne de Mademoiselle Marie Louise Anaïs Lalanne, ma filleule, et Monsieur Louis Frédérick Suc, mon filleul, que ma volonté est que les nègres composant l’atelier de mon habitation dite Risquetout, sise sur la rive gauche de la rivière et quartier [de] Mont-Sinéry, resteront, lesdits nègres, attachés au sol de ma dite habitation, c’est-à-dire qu’aucun de mes héritiers (ou mère de leurs héritiers), sous quel prétexte que ce puisse être, ils ne pourront pas tirer de l’atelier de mon habitation dite Risquetout aucuns nègres, négresses, négrillons ou négrittes pour être vendus, loués ou affermés. »

Il n’est nullement question de partage de terres. Les esclaves ne pouvaient pas posséder de biens fonciers. Quand bien même Thoulouse aurait souhaité leur faire un legs de ce type, il n’aurait pas été recevable sur le plan juridique. Les dispositions favorables aux esclaves pouvaient prendre la forme de l’affranchissement, à laquelle pouvait être liée des dons ou des promesses de vente.

L’an mil huit cent trente-cinq, le dix-huit avril, dix heures de la matinée, par-devant nous Paul Toussaint Denis Matthiez fils, lieutenant commissaire commandant du quartier de Mont-Sinnéry, remplissant les fonctions d’officier de l’état civil à cause du décès du titulaire, ont comparu Messieurs Jean Pierre Guillaume Lalanne, âgé de quarante-six ans, propriétaire, domicilié à Cayenne, et Joseph Célestin Lalanne, âgé de vingt-trois ans, habitant propriétaire au quartier de Mont-Sinnéry, y domicilié, voisin du défunt, lesquels nous ont déclaré que Monsieur René Louis Thoulouse, chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, conseiller honoraire à la Cour royale de la Guyane française, commissaire commandant et habitant propriétaire audit quartier de Mont-Sinnéry, y domicilié, né à Cayenne, âgé de soixante-trois ans, fils légitime de feu Monsieur Antoine Guillaume Thoulouse et de feue dame Louise Leblanc, veuf de dame Anne Judith Guillot, est décédé hier dix-sept du courant à huit heures du soir sur son habitation, dite Risquetout, sise audit quartier de Mont-Sinnéry ; d’après cette déclaration et après nous être assuré du décès dudit sieur René Louis Thoulouse, nous avons dressé le présent acte par triplicata que les comparants ont signé avec nous après lecture faite, lesdits jour, mois et an que dessus. C. Lalanne, Jn Lalanne, D. Matthiez fils.

CI GIT
RENÉ LOUIS THOULOUSE CHEVALIER DE LA LEGION D’HONNEUR
COMMISSAIRE COMMANDANT DU QUARTIER DE MONT SINERY
NÉ A CAYENNE LE 25 JUIN 1772
FILS LEGITIME DE SR GUILLAUME THOULOUSE
ET DE DAME LOUISE LEBLANC
DÉCÉDÉ SUR SON HABITATION DIT RISQUE TOUT
LE 17 AVRIL 1835 A HUIT HEURES DU SOIR

Dépôt du testament olographe de René Louis Thoulouse, Cayenne, Etude Voisin, n° 68, 25 avril 1835
Source : Anom, DPPC, NOT GUY 219*.

Aujourd’hui vingt-cinq du mois d’avril mil huit cent trente-cinq, à trois heures de relevée.

Par-devant Maître Voisin et son collègue, notaires à Cayenne et Guyane française, soussignés,
a comparu :
Monsieur Théodore Monach, greffier par intérim du Tribunal de première instance de la Guyane française, séant à Cayenne, demeurant rue du Fort,
et pour l’effet des présentes, au greffe dudit tribunal, où il a élu domicile,
lequel a déposé à Maître Voisin, l’un des notaires soussignés,

1°/ un paquet plié en forme d’enveloppe, ouvert et portant pour suscription :
« Ce paquet renferme mon testament olographe que je remets à Monsieur Jean Pierre Guillaume Lalanne, habitant propriétaire à Cayenne et Guyane française, pour être par lui présenté à qui de droit et être ouvert après mon décès. A mon habitation nommée Risque-Tout, sise rivière et quartier de Montsinéry, l’an mil huit cent trente-quatre, le dix du mois de mai. (signé :Thoulouse ).
Dans l’angle supérieur est la signature « Riot » avec paraphe ; en haut et en bas se remarquent cinq différents paraphes.

2°/ un écrit sous-seing privé, étant ainsi que l’énonce l’énonciation mise en marge, le testament olographe de Monsieur René Louis Thoulouse, habitant de cette colonie, ledit testament renfermé dans la susdite enveloppe, est écrit sur quatre feuilles doubles de papier à lettre, façon vélin, et remplit depuis la première huit rectos et sept versos.
Il commence par ces mots « Je soussigné Thoulouse René-Louis, chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, habitant propriétaire au quartier de Mont-Sinnéry » et finit par ceux-ci « J’ai écrit, daté et signé de ma main le présent, mon dit testament, à Risque-Tout, mon habitation, sise sur la rive gauche de mont Sinnéry, dans la chambre que j’occupe, l’an mil huit cent trente-quatre et le samedi dix du mois de mai, déclarant que je révoque toutes autres dispositions que j’ai pu faire avant mon présent, dit testament. (signé : Thoulouse, avec paraphe). A côté et en travers de cette signature est écrit : « Le samedi 10 du mois de mai 1834 ».
Immédiatement au-dessus et en forme de codicille est un autre écrit sous seing privé dudit sieur Thoulouse, écrit sur la fin dudit dernier recto et la totalité du verso, commençant par ces mots : « Je soussigné René-Louis Thoulouse déclare » et finit par ceux-ci : « Fait sur mon habitation dite Risque-Tout, sise au quartier et rivière de Mont-Sinnéry le jeudi vingt-sept du mois de novembre mil huit cent trente-quatre. (signé :Thoulouse, avec paraphe ).
En haut du premier recto est écrit : « 1ère page. (signé : Riot, avec paraphe ), et en marge du dernier verso est écrit : « 16ème et dernière page. (signé : Riot, avec paraphe ). Tous les feuillets sont numérotés le premier à huit et chaque bas de page est paraphé par le testateur. Tous les blancs sont exactement bâtonnés.

3°/ l’expédition du procès-verbal d’ouverture dudit testament fait et dressé par Monsieur le Juge royal, assisté du comparant en sa qualité, le vingt-un avril, à trois heures de relevée de la présente année, dûment enregistré à Cayenne le vingt-quatre présent mois au folio quatre-vingt-quatre verso, case cinq, par Jérôme, qui a reçu un franc.
Dans lequel dit procès-verbal il est dit et ordonné que le dépôt du tout sera fait à Maître Voisin, notaire à Cayenne, pour par lui en délivrer tout extrait et expéditions nécessaires à qui de droit.
Dont acte.

Fait et passé à Cayenne, en l’étude, les jour, mois, an et heure susdite, et a le comparant signé aux présentes avec nous notaires, après lecture.

Ainsi la minute est signée : Théodore Monach, greffier par intérim, Brun et P. Voisin, ces deux derniers, notaires royaux.

Ensuite est cette mention :
« Vu un renvoi et enregistré à Cayenne le vingt-huit avril 1835, folio 79 verso, case 6 ; reçu cinquante centimes, signé Jérôme ».

Teneur des pièces déposées

Testament olographe
de Toulouse René-Louis,
habitant propriétaire à
Cayenne, Guyane française

Première page
1ère page, signé Riot.

Je soussigné Thoulouse René Louis, chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, habitant propriétaire au quartier de Mont-Sinnéry, né à la ville de Cayenne, Guyane française, paroisse Saint-Sauveur, vers l’année mil sept cent soixante-douze, le vingt-cinq du mois de juin, fils de Monsieur Antoine Guillaume Thoulouse, habitant, né en France en Bourgogne, et de Louise Le Blanc, son épouse, née à Paris, tous deux décédés en cette colonie de Cayenne,

ayant eu le malheur de perdre mon épouse Jeanne Judith, mademoiselle Guillot, née à Cayenne vers l’année mil sept cent soixante-onze, le vingt-deux du mois de juillet, fille de Monsieur François Guillot, ancien officier de l’administration de la marine, né en Beard, et de Mademoiselle Jeanne Marie Le Cerf, son épouse, née à Louis-Bourg en Canada, tous deux décédés en cette colonie, et veuve sans enfant de Monsieur Pierre Fournier, habitant, décédé à Cayenne, laquelle sans enfant est décédée le huit du mois de juin l’an mil huit cent trente à dix heures et demi du matin, ainsi que la déclaration du décès en a été faite à l’officier de l’état civil de cette colonie de Cayenne ;

considérant qu’il n’y a rien de plus certain que la mort et rien de plus incertain que l’heure à laquelle elle vient nous surprendre, craignant d’en être prévenu sans avoir le temps de manifester mes dernières volontés, étant saint d’esprit, mémoire et entendement, dans la vue de la mort et avant qu’il plût à Dieu de disposer de moi, je fais en ceci mon testament.

Premièrement, comme chrétien professant la religion catholique et romaine, après avoir fait le signe du chrétien, je donne et recommande mon âme à Dieu, père, fils et saint Esprit, suppliant sa divine bonté de me faire miséricorde et placer mon âme au rang des bienheureux, implorant à cette fin le mérite de la passion de Notre Seigneur Jésus Christ, l’intercession de la glorieuse Vierge Marie, sa mère, et les prières de tous les saints et saintes du paradis.

2ment. Je prie et recommande à mes exécuteurs testamentaires ci-après nommés que, aussitôt mon décès, sur mon habitation, à la droite du tombeau de ma pauvre épouse et à la place que j’ai tracée, que ma fosse y soit ouverte et que mon corps y soit inhumé religieusement et qu’il y soit élevé un tombeau semblable à celui-là où reposent les cendres de ma pauvre épouse, que, huit jours après mon décès, il soit à l’église paroissiale fait mon service et en même temps il y soit dite une grande messe de requiem.

3ment. Je recommande à mes exécuteurs testamentaires, aussitôt mon décès, de faire de suite apposer les scellés sur tous les meubles qui en sont susceptibles et de faire procéder à la description sommaire et exacte de tous objets qui ne peuvent pas être mis sous scellés, tant en ville qu’à mon habitation, et, sous le plus bref délai, faire en leurs présences par qui de droit procéder à la levée des scellés et à l’inventaire estimatif de tous les biens, effets, meubles, immeubles et bijoux, argenteries, argent, monnaies, or, obligations et autres effets mobiliers quelconques, provenant et dépendant de ma succession, en exceptant le local sous lequel reposent les cendres de ma pauvre épouse, ne soit pas estimé dans aucun inventaire, ainsi que tous les objets, ornements de la chapelle, ils seront seulement portés pour mémoire. Je crois devoir espérer que mes héritiers définitifs, tant par devoir que par reconnaissance, si toutes fois ils en sont susceptibles, ce bien sera par eux entretenus et respectés comme lieu de sépulture là où reposent les cendres de leurs bienfaiteur et bienfaitrice.

4ment. En présence de Monsieur le Juge de paix, procédant à la levée des scellés, et en présence de mes exécuteurs testamentaires, Monsieur Jean Pierre Guillaume Lalanne est autorisé à retirer de mes armoires, tant en ville qu’à mon habitation, tous les linges servant à me vêtir, de donner à mes filleuls ce qu’il y a de mieux et de distribuer le reste de ces effets à mes nègres.

5ment. Après mon décès, si toutes fois se présente un créancier, je veux qu’il soit de suite payé et que tort soit fait à personne. Je recommande à Monsieur Guillaume Lalanne de ne rien épargner pour mon inhumation et mon service à l’église paroissiale et que toutes les dépenses soient de suite payées.

6ment. Je donne et lègue aux personnes ci-après nommées :
– à Mademoiselle Louise Elisabeth Thoulouse, ma sœur, veuve sans enfants de Monsieur Jean Baptiste Bâlé, habitant, une somme de vingt mille francs, en 231 pièces de cinq francs et quatre francs, plus la somme de dix-huit mille huit cent quarante-un francs, en quatre cent trente pièces d’or de différentes valeurs, laquelle somme lui sera remis lors de mon inventaire par Monsieur Viriot Joseph, immédiatement, aussitôt la levée des scellés, qui devra avoir lieu sous le plus bref délai, ci 20000 F.
– à Monsieur Guillaume Langlois, habitant, mon neveu, il lui sera de même remis par Monsieur Viriot Joseph, en rouleaux, une somme de deux mille francs et celle de deux autres mille francs en quatre mille pièces de cinq francs, ci 4000 F.
– Sur les revenus de mon habitation, je donne à mon dit neveu une rente annuelle et viagère de la somme de douze cents francs, qui lui sera payée par avance de trois mois en trois mois, par trois cents francs, à partir du moment de mon décès, pour s’éteindre au jour où le sien aura lieu. Cette rente est à titre alimentaire et sera garantie par mon habitation dite Risquetout, sise dans cette colonie de Cayenne, au quartier er rivière de Mont-Sinnéry, et sur laquelle il sera pris une inscription d’hypothèque.
– à Monsieur Nicolas Sillian fils, mon filleul, de même, il lui sera remis en rouleaux par Monsieur Viriot Joseph, une somme de mille francs, ci 1000 F.
– à Monsieur Thomas Sillian fils, le filleul de mon épouse, par Monsieur Viriot Joseph, il lui sera remis en rouleaux une somme de mille francs, ci 1000 F.
– En reconnaissance de l’attachement et des soins que la famille Mathiez a portés à mon épouse dans sa maladie, à Madame et à Monsieur Mathiez, habitant au quartier de Mont-Sinéry, à chacun d’eux, il leur sera remis par Monsieur Viriot Joseph une somme de 750 F, ci 1500 F.
– à Messieurs Mathiez fils, à chacun d’eux, il leur sera remis une somme de 500 F, ci 1000 F.
– aux demoiselles Mathiez, à chacune d’elle, il leur sera remis une somme de 500 F par Monsieur Viriot Joseph, ci 1500 F.
– à Madame veuve Hertel de Cournoyer, en reconnaissance des prévenances et des soins qu’elle a portés à mon épouse dans sa maladie, en pièces blanches, il lui sera remis par Monsieur Viriot Joseph une somme de mille francs, ci 1000 F.
– à Monsieur Louis Dechamp fils, par Monsieur Viriot, il lui sera remis en rouleaux la somme de quatre cents francs, ci 400 F.
– à Monsieur Gustave Guérin, habitant propriétaire, par Monsieur Viriot, il lui sera remis pour son fils aîné, en rouleaux, la somme de quatre cents francs, ci 400 F.
– Pour être distribués aux pauvres de la colonie de Cayenne, à Monsieur le Trésorier de la caisse de charité, par Monsieur Viriot, il lui sera remis en rouleaux une somme de mille francs, ci 1000 F.
– à Monsieur Paguenaud (paralytique), par Monsieur Viriot, il lui sera remis en rouleaux une somme de quatre cents francs, ci 400 F.
– à Monsieur le Préfet apostolique, pour se procurer les ornements nécessaires à l’église paroissiale de Cayenne, par Monsieur Viriot, il lui sera remis une somme de mille francs, plus celle de huit cents francs pour que, sur mon habitation, au tombeau de mon épouse, il y soit fait des prières et dit des messes pour le repos de mon âme et pour celle de mon épouse, en rouleaux cachetés du Trésor, la somme de dix-huit cents francs, ci 1800 F.
– à mon filleul nommé Louis, fils du sieur Aubin, habitant au quartier de Macouria, par Monsieur Viriot, il sera remis audit sieur Aubin, pour remettre à son fils, mon filleul, en rouleaux, une somme de trois cents francs, 300 F.
– à Mademoiselle Bénédictine, ma filleule et celle de mon épouse, par Monsieur Viriot, il lui sera remis en pièces blanches, une somme de quinze cents francs, ci 1500 F.
– à Célestine, sa mère, en reconnaissance des soins qu’elle a portés à sa bienfaitrice, mon épouse, pendant sa maladie, par Monsieur Viriot, il lui sera remis en pièces blanches une somme de 1000 F.
– Si après mon décès Monsieur Cabal, mon régisseur, est toujours employé sur mon habitation par Monsieur Viriot, il lui sera remis en pièces blanches la somme de cinq cents francs, ci 500 F.
– A la nommée Geneviève, ma négresse ménagère, et aux nègres nommés Castor et à Dauphain, tous trois vieux serviteurs, je leur donne leur liberté. Ils résideront sur mon habitation et sous le patronage de mes héritiers, il leur sera loisible de cultiver une portion de terrain d’un carré chacun. Le fruit de leur travail sera pour eux en jouir et sur leurs vieux jours et, dans leurs maladies, ils seront soignés et nourris aux frais de l’habitation. Il en sera de même du nègre nommé Henry et de la négresse nommée Praxède.
– Par Monsieur Viriot, il sera remis à Geneviève la somme de cent cinquante francs, à Castor, à Dauphin, à Henry et à Praxède, à chacun d’eux, une somme de cinquante francs, ci 350 F.
– à Plaidoyer, mon ancien domestique, je lui donne la liberté, qu’il mérite par ses bons et fidèles soins. Sa profession d’ouvrier équarrisseur de bois, scieur de long, faiseur de canots, menuisier et charpentier de marine, donne une garantie suffisante à ce qu’il ne soit point à charge à la colonie. Il lui sera loisible de résider sur mon habitation, d’y abattre et de cultiver tous les ans un carré de terrain, pour lui jouir du fruit de son travail. Par Monsieur Viriot, il lui sera remis une somme de cent francs, 100 F.
– à la nommée Clérance, ma négresse ménagère, n’ayant pas cessé de bien mériter par ses fidèles services et les bons soins qu’elle n’a pas cessé de me porter dans toutes mes maladies, en récompense de ses bons et fidèles services, je lui donne sa liberté qu’elle mérite et, afin qu’elle ne soit pas à la charge à la colonie, pour récompenser ses fidèles services, je lui donne ma maison sise rue des Marais, n° 211, pour elle en jouir, faire et disposer comme chose à elle appartenant et lui appartiendra en toute propriété. Les titres de propriété de la dite maison lui seront remis par Monsieur Viriot Joseph. Je lui donne le négrillon nommé Lambert, âgé de 14 ans, et la négritte nommée Marie-Louise, âgée de 14 ans, pour elle en jouir en toute propriété, comme à elle appartenant. Je lui lègue et donne une somme de seize cents francs, sur laquelle somme, immédiatement après la levée des scellés, par Monsieur Viriot, il lui sera remis une somme de trois cent quatre francs ; les douze cent quatre-vingt-seize autres francs, en rouleaux, resteront en dépôt ès-mains de Monsieur Viriot Joseph : il est prié de vouloir bien s’en charger pour, pendant trois années, lui être remis, à partir du jour de mon décès, trente-six francs par chaque mois. Ladite négresse nommée Clérance pourra résider sur mon habitation Risquetout ; elle est, par le présent, sa vie durant, autorisée d’abattre ou de faire abattre, de cultiver tous les ans une plantation en coton, maïs et autres vivres, de trois carrés de terrain, pour elle en jouir du fruit de son travail comme chose à elle appartenant. Dans ses maladies, elle sera traitée, soignée et nourrie aux frais de mon habitation.
– Je prie Monsieur Viriot Joseph de vouloir bien solliciter auprès de Messieurs les chefs du gouvernement les lettres d’affranchissement, ainsi que celles du nommé Plaidoyer, à qui j’ai par le présent donné la liberté, et sur les revenus de mon habitation d’en payer la taxe, si toutefois elle est exigée.
– Dans mes comptes avec Monsieur J. P. G. Lalanne, Monsieur Mathiez père pourra me devoir une somme de huit cents francs, il ne lui sera rien réclamé, je lui en donne quittance. De même, si la mort me surprend, il ne sera rien réclamé à Monsieur J. P. G. Lalanne de tout ce qu’il pourra me devoir après mon décès.
– à Monsieur Viriot Joseph, je lui donne une somme de deux mille francs, de même à Monsieur Jean Jacques Brun, je lui donne une somme de quinze cents francs que je les prie de vouloir bien accepter, laquelle somme leur sera remise par Monsieur J. P. G. Lalanne, en pièces blanches, la somme de trois mille cinq cents francs, 3500 F.
– Je donne et lègue à Mademoiselle Anne Adèle, la filleule de mon épouse, fille de feu Monsieur Célestin Lalanne aîné et de Mademoiselle Anne Thérèse Lambert, veuve de feu Monsieur Jahnholtz, une somme de deux mille francs, ci 2000 F.
– Je donne et lègue à Mademoiselle Marie Louise Anaïs Lalanne, ma filleule, la tabatière en or de ma pauvre épouse et tous les bijoux qu’il sera trouvé chez moi, plus une grande cuillère, six petites dito à café et six autres couverts argent, à son choix, douze couteaux de table et douze autres petits dito de dessert, mes petites assiettes en porcelaine, vingt-quatre serviettes et deux nappes à barres rouges, un porte-liqueur avec verres et carafes, quatre carafes à eau, un porte-huilier avec ses huiliers, un cabaret, un porte-livre et sa petite table, une paire [de] cylindres à son choix, dito un globe et une petite pendule. Ces objets seront remis à Monsieur J. P. G. Lalanne pour en temps et lieu en faire la remise à la demoiselle ma filleule.
– Je donne et lègue à Mademoiselle Bénédictine, ma filleule et celle de mon épouse, six couverts en argent et six autres petites cuillères à café, ces objets lui seront remis par Monsieur Jean Pierre Guillaume Lalanne.
– Je donne à mon filleul, Louis Frédérick Suc, ma montre, la chaîne, les deux clefs en or, mes deux paires de petites boucles en or, mes autres boucles en argent, mon fusil à piston et tout l’équipement de chasse, mon épée, que lui remettra Monsieur J. P. G. Lalanne, celle dont la poignée est en nacre, montée en argent, une <…>, mes longues-vues à son choix, ma boîte renfermant mes compas et autres instruments en cuivre, ma petite boussole et mon plat à barbe en cuir bouilli ; seront tous ces objets par Monsieur J. P. G. Lalanne remis à mon filleul, Monsieur Louis Frédérick Suc.
– Je donne à Mademoiselle Marie Louise Anaïs Lalanne, ma filleule, ma maison sise à l’angle des rue des Marais et Voltaire, n° 120, aussi tous les meubles à moi appartenant, qui seront trouvés dans ladite maison, tables, armoires, canapé, chaises, vaisselles, verreries, tableaux, etc. etc., pour elle en jouir, faire et disposer comme choses à elle appartenant ; et ce aux conditions que la demoiselle Bénédictine, ma filleule et celle de mon épouse, aura sa vie durant la jouissance 1°/ du logement sis sur la rue des Marais, actuellement occupé par sa mère, la demoiselle Célestine, 2°/ du logement sis sur la rue Voltaire qui était occupé par feu Monsieur Castera.
– Je donne à Monsieur Louis Frédérick Suc, mon filleul, la maison que je vais faire bâtir sur mon terrain sis à l’angle des rues Praslin et Voltaire, n° 68, pour lui en jouir, faire et disposer comme chose à lui appartenant. Les titres de propriété de ladite maison lui seront remis par Monsieur Jean Pierre Guillaume Lalanne.
– Je donne à Monsieur Jean Dupoy et à son épouse, la demoiselle Lorantine Martinaud, une somme de quinze cents francs, qui lui sera remise par Monsieur Joseph Viriot, ci 1500 F.

7ment. Toutes mes dispositions étant en partie remplies, pour tous les biens desquels je n’ai pas encore disposé et qu’il ne me plaira pas en disposer avant l’heure de mon décès, à partir du jour de mon décès pour s’étendre au jour de mon décès de ma sœur Madame veuve Bâlé, elle aura sa vie durant la jouissance de tous ces biens, desquels je n’ai pas disposés, et des denrées provenant de mon habitation dite Risquetout, en par elle payer à Monsieur Guillaume Langlois, mon neveu, la rente annuelle et viagère, ainsi que je l’ai déjà dit précédemment.
Le traitement du régisseur de mon habitation sera de la somme de deux mille francs par chaque année et lui sera payé sur les revenus de mon habitation. Il sera tenu de se nourrir et de se procurer à ses frais tout ce qu’il lui sera nécessaire. En cas de maladie, il se fera traiter ses frais.
Je lui donne douze dame-jeannes pleines de vin et une partie des provisions de mon magasin, ces objets lui seront remis par ma sœur Madame veuve Bâlé, à qui appartient ces objets.
Avant le décès de ma sœur Madame veuve Bâlé, Monsieur J. P. G. Lalanne sera chargé de l’administration des biens de mon habitation et il sera responsable de toutes les dépenses extraordinaires qu’il fera pour compte de ma dite habitation, il est par le présent autorisé à faire que, les petites dépenses indispensables, il en rendra compte à Madame veuve Bâlé.
Toutes dépenses prélevées du surplus de l’excédent des revenus de mon habitation sur ledit excédent des recettes, Madame veuve Bâlé sera tenue de payer tous les ans à Monsieur J. P. G. Lalanne une commission de dix pour cent sur le produit net de mon habitation dite Risquetout.

8ment. Après le décès de ma sœur Madame veuve Bâlé, je nomme dès à présent pour mes héritiers définitifs, chacun pour avoir la jouissance de la moitié des biens desquels je n’ai pas disposés au présent, mon testament :
1°/ pour mon héritière, la personne de Mademoiselle Marie Louise Anaïs Lalanne, ma filleule, fille de Monsieur Jean Pierre Guillaume Lalanne et de Mademoiselle Magdelaine Anne Rivierre, son épouse ;
2°/ pour mon héritier, la personne de Monsieur Louis Frédérick Suc, mon filleul, fils de Mademoiselle Louise Canillot, veuve Suc, habitant décédé en cette colonie de Cayenne, Guyane française.
Par Monsieur J. P. G. Lalanne, lui sera remis les divers titres de propriété, procès-verbaux de bornage, plans, concessions de terrain et le plan qui réunit tous mes terrains d’habitation fait par Monsieur Siredey, arpenteur royal, grand voyer de cette colonie de Cayenne.

9ment. Je déclare à mes héritiers, en la personne de Mademoiselle Marie Louise Anaïs Lalanne, ma filleule, et Monsieur Louis Frédérick Suc, mon filleul, que ma volonté est que les nègres composant l’atelier de mon habitation dite Risquetout, sise sur la rive gauche de la rivière et quartier [de] Mont-Sinéry, resteront, lesdits nègres, attachés au sol de ma dite habitation, c’est-à-dire qu’aucun de mes héritiers (ou mère de leurs héritiers), sous quel prétexte que ce puisse être, ils ne pourront pas tirer de l’atelier de mon habitation dite Risquetout aucuns nègres, négresses, négrillons ou négrittes pour être vendus, loués ou affermés.
Déclarant à mes dits héritiers que, dès à présent et pour toujours, je révoque toutes dispositions que j’ai pu faire au présent, mon dit testament, en faveur de celui ou celle qui aurait agi contre ma volonté ci-dessus formellement exprimée.
Si, par mépris, ma volonté se trouve anéantie, dans ce cas ma volonté est que, dans l’intérêt des pauvres de la colonie de Cayenne, par une signification faite à la requête de Monsieur le Trésorier de la caisse de charité, le legs ou les legs invoqués pour causes déjà formellement expliqués, sera ou seront les dits legs judiciairement déclarés appartenir et appartiendra en rente alimentaire aux pauvres de cette colonie de Cayenne, pour eux avoir la jouissance leur vie durant de la moitié ou de la totalité des revenus de mon habitation dite Risquetout, sise au quartier et rivière de Mont-Sinéry.

10ment. Pour faire exécuter le présent, mon testament, j’ai nommé et je nomme :
1°/ la personne de Monsieur Jean Pierre Guillaume Lalanne, habitant propriétaire en cette colonie de Cayenne,
2°/ la personne de Monsieur Joseph Viriot, négociant et habitant propriétaire à Cayenne
3°/ la personne de Monsieur Jean Jacques Brun, conseiller à la Cour royale et habitant propriétaire à Cayenne, Guyane française.
Je les prie de vouloir bien en prendre la peine et, en cas d’absence de la colonie ou de mortalité de la première personne ci-dessus nommée, sera, en son remplacement, la seconde personne nommée ou, en cas d’autres empêchements, la troisième personne nommée est priée de vouloir bien me rendre ce service.
Le régisseur de mon habitation recevra les ordres de celui qui sera chargé de l’administration de mon habitation pendant la vie durant de ma sœur Madame veuve Bâlé et il lui rendra compte de son journal.

11ment. En cas de décès d’une des personnes désignées et nommées au présent, mon dit testament, avant l’heure de mon décès, le leg qui lui a été promis restera appartenir et appartiendra à la masse des biens du testateur, à moins qu’il soit été par moi testateur substitué à la place de la personne décédée un nouveau héritier.

12ment. Après mon décès, à mon inventaire qui ce fera en présence de mes exécuteurs testamentaires, il sera trouvé chez moi, soit à ma maison de ville ou à celle de mon habitation, la valeur en quadruples la somme de dix mille cent cinquante-trois francs, ci 10000 F.
– en trois cent onze autres pièces d’or de différentes valeurs, ensemble la somme de huit mille six cent quatre-vingt-huit francs, ci 8688 F
– en deux mille sept cent quinze pièces de cinq francs, la somme de treize mille cinq cent soixante-quinze francs, ci 13575 F
– en trois cent trente-trois pièces de cinq francs quatre-vingts centimes, la somme de dix-neuf cent trente-un francs quarante centimes, ci 1931,40 F.
– en quatre pièces de cinq francs cinquante centimes et cent francs cinquante centimes en petites pièces blanches, la somme de cent vingt-deux francs cinquante centimes, ci 122,50.
– tant en rouleaux cachetés du Trésor qu’en rouleaux non cachetés, la somme de vingt mille francs, ci 20000.
– tant en pièces d’or qu’en pièces blanches et en rouleaux, la somme de cinquante-quatre mille quatre cent soixante-neuf francs quatre-vingt-dix centimes, ci 54469 F 90.
En outre il m’est dû pour argent prêté et pour denrées vendues et livrées < blanc >.
Conséquemment il sera facile à Monsieur Viriot Joseph de remettre à qui de droit les différents legs dont a été fait mention au présent, mon dit testament, d’en tirer reçu afin de mettre à l’abri sa responsabilité. Il voudra bien en présence de Monsieur le Juge de paix en rendre compte à Messieurs J. P. G. Lalanne et J. J. Brun, mes exécuteurs testamentaires.
Après mon décès, toutes dépenses payées ainsi que mes créanciers, si toutefois il s’en présente, le surplus de l’argent, après avoir remis à chacun les legs précédemment promis, ainsi que le montant des créances qui sera trouvé chez moi par mes exécuteurs testamentaires, sera également partagé, savoir : un quart sera remis à ma sœur, Madame veuve Bâlé, un quart à Monsieur Guillaume Langlois, mon neveu, et les deux autres quarts, un à Mademoiselle Marie Louise Anaïs Lalanne, ma filleule, et l’autre quart, à Monsieur Louis Frédérick Suc, mon filleul.

J’ai écrit, daté et signé de ma main le présent, mon dit testament, à Risquetout, mon habitation, située sur la rive gauche de la rivière et quartier de Mont Sinéry dans la chambre que j’occupe, l’an mil huit cent trente-quatre, le samedi dix du mois de mai, déclarant que je révoque toutes autres dispositions que j’ai pu faire avant le présent, mon dit testament.
Signé Thoulouse.
A côté est écrit : « Le samedi 10 du mois de mai 1834 ».

Plus bas est écrit.
Je soussigné René Louis Thoulouse déclare que je révoque le legs de huit cents francs que précédemment à mon dit testament j’ai fait à l’église paroissiale de Cayenne.
Pour que deux fois par an, deux prêtres soient envoyés sur mon habitation la veille de la fête Sainte-Anne, m. v. patronne de ma défunte épouse et la veille de la fête de Saint-Louis, <roi de France>, mon saint patron, pour à chaque fois y célébrer la messe pendant deux jours de suite à la chapelle Saint-Louis au tombeau de ma défunte épouse.
Pour que ma volonté soit exécutée à partir du jour de mon décès, sur les revenus de mon habitation dite Risquetout, je veux que annuellement il sera tous les ans payé par mes héritiers à l’église paroissiale de Cayenne une somme de huit cent francs.
Sur la demande de Monsieur le Préfet apostolique, un des meilleurs canots de mon habitation lui sera envoyé avec bon équipage pour chercher et ramener à Cayenne messieurs les prêtres qu’il aura désignés.
Chaque jour de dévotion, si c’est jour de travail, les nègres et négresses de mon habitation auront la demi-journée jusqu’à midi, de même que le jour du vendredi saint.
L’usage religieux établi sur mon habitation sera à l’égard des nègres et négresses les jours de fêtes et les dimanches suivis et faits continuer par mes héritiers.
Fait sur mon habitation dite Risquetout, située au quartier et rivière du Mont-Sinéry, le jeudi vingt-sept du mois de novembre mille huit cent trente-quatre.
Signé Thoulouse.
En marge se trouve ces mots : « 16ème et dernière page, Riot ».
En marge du premier recto est écrit : « Enregistré à Cayenne le vingt-huit avril 1835, folio 79 verso, case 8, au folio 85 verso, case 3, reçu un franc, signé Jérôme ».