Il existe au cimetière communal de Tonnégrande une tombe modeste, délimitée par quatre planches de wapa et surmontée d’une croix en fer forgée, au centre de laquelle se trouve un cartouche gravé en métal. Cette tombe, l’une des plus anciennes du cimetière, se trouve à quelques pas à gauche de celle du père Durand, curé fondateur de la paroisse.

Entrée du cimetière communal de Tonnégrande © Kristen Sarge (2010).

Entrée du cimetière communal de Tonnégrande
© Kristen Sarge (2010).

Il s’agit de la tombe d’une certaine dame Galathée, veuve d’Adonis Couteau. Texte de l’inscription : CI GIT / Dame / GALATHÉE Vve d’Adonis / COUTEAUD / DÉCÉDÉE / le 30 Décbre 1872 / âgée de 64 ans / De profundis
La tombe de la veuve Galathée. © Kristen Sarge (2011)

La tombe de la veuve Galathée.
© Kristen Sarge (2011)

L’acte de décès dressé le 31 décembre 1872 par le commissaire commandant de Tonnégrande apporte quelques précisions sur la dame Galathée :

« L’an mil huit cent soixante-douze et le trente-un décembre, à neuf heures du matin, par devant nous Jacques Augustin Dupeyron, commissaire commandant et officier de l’état civil du quartier de Tonnégrande, Guyane française, sont comparus les sieurs Joseph Joséphine, âgé de cinquante-huit ans, et Isaac Bencieux, âgé de cinquante-trois ans, tous deux propriétaires demeurant et domiciliés en ce quartier, voisins de la défunte, lesquels nous ont déclaré que la dame Galathée, âgée de soixante-quatre ans, sans profession, née à la Guyane française, veuve du sieur Adonis Couteaud, est décédée le trente du courant à neuf heures du matin en son domicile, habitation Saint-Jean, numéro deux, sise en ce quartier, rivière des Cascades. Après nous être assuré de ce décès, nous avons dressé le présent acte par triplicata que nous avons seul signé, les témoins nous ayant déclaré ne le savoir, de ce requis, le tout après lecture. A. Dupeyron».

Source : Arch. dép. Guyane, 9E 23/49* ; Arch. nat. outre-mer, 1DPPC 2845*, 1872, décès n° 21, 31/12/1872.Galathée Couteau, née vers 1808 en Guyane, matricule 239 du quartier d’Approuague, est libérée de l’esclavage en 1848, tout comme son mari Adonis, n° 238, âgé de 37 ans et né en Afrique, et ses deux fils, Pierre Louis, n° 250, âgé de 15 ans, et Augustin, n° 240, âgé de 10 ans, ces derniers nés en Guyane. Ces esclaves sont cultivateurs sur l’habitation La Ressource de Félix Couy, située rive droite de l’Approuague.

Mais que viennent faire les Couteau à Tonnégrande ?

Le transfert de cette famille sur la rivière des Cascades s’explique très vraisemblablement par le lien qu’ils ont avec leur ancien maître, Félix Couy, qui possède également sur cette rivière une habitation appelée Malabar.Ce lien avec Félix Couy est confirmé par le patronyme que porte la famille de Galathée : Couteau(d). Au moment de l’abolition de l’esclavage, on attribue à chaque famille d’esclaves des patronymes qui ne sont pas portés par des personnes libres vivant en Guyane. Le patronyme Couteau est celui porté par Jacques Couteau, tonnelier, né à Nantes le 3 thermidor an XIII (21 juillet 1795), demeurant et travaillant sur l’habitation La Ressource de Félix Couy, qui décède à Cayenne après avoir établi son testament devant Maître Philibert Voisin, notaire à Cayenne, le 23 mars 1836 à Cayenne.

La famille Couteau est recensée en 1861 sur leur habitation Saint-Jean, située rivière des Cascades à Tonnégrande, où elle cultive du café, du girofle, du rocou et des vivres (habitation de 4e classe, de 7,75 ha). C’est sur cette habitation que la veuve Galathée décède en 1872.

(1) De profundis [clamavi ad te, Domine], des profondeurs [je criais vers toi, Seigneur], premiers mots du sixième des sept psaumes de la pénitence, qui servent de prière traditionnelle pour les morts.