Pierre Joseph Adraste Gérémine naît à Cayenne rue du Collège, aujourd’hui rue Madame-Payé, dans la maison Marie-Magdeleine le 18 septembre 1853. C’est le fils naturel de Reine Gérémine, blanchisseuse, âgée de 23 ans. Lors de la déclaration de naissance, sa mère est assistée de Pierre Pélage, maçon, et de Simonide Adraste, menuisier.

Il se marie à Cayenne une première fois le 10 octobre 1879 avec Séminie Marie Magdelaine Baudoin, sans profession, née à Tonnégrande le 16 septembre 1857, fille légitime de Pierre Louis Baudoin, décédé, et de Magdelaine Varon, blanchisseuse. Il est qualifié de tonnelier. C’est son premier lien avec la commune de Tonnégrande-Montsinéry.

Le divorce d’avec sa femme est prononcé à son profit le 28 août 1890 grâce à son avocat Hippolyte Ursleur, maire de Cayenne.


Actuelle mairie de la commune de Montsinéry-Tonnégrande, construite à l’emplacement de l’ancienne mairie. © Monton.

Elu conseiller général et municipal de Cayenne, Gérémine se remarie à Cayenne le 12 janvier 1891 avec Florine Eugénie Luce Hazard, née le 2 juin 1873, fille mineure de René Hazard, membre du conseil consultatif de la commune d’Approuague, où il réside, et de Thérèse Pauline Déodate Claudal, blanchisseuse, domiciliée à Cayenne. Les témoins des candidats au mariage sont Louis Zulima, 51 ans, commissaire adjoint colonial, chef du service administratif de la Marine, chevalier de la Légion d’honneur, Hippolyte Ursleur, 33 ans, avocat-avoué, maire de Cayenne, conseiller général, Stéphon Alphonse Henri, 51 ans, négociant, et Urbain Yves Eboué, 39 ans, propriétaire.

Adraste Gérémine est le premier maire de la commune de Montinéry élu le 12 mars 1893 après la période de dissolution des conseils municipaux, arrêtée par le gouvernement local en 1890. Le scrution a lieu les dimanches 29 janvier et 5 février 1893. Il y a dix conseillers à élire, 92 électeurs inscrits et 46 votants.

Sont élus Barthélémy Caty (37 voix), Germain Quémon (37), Lucien Marivat (37), Léonard Pascaly (37), Félix Tébyne (37), Bazile Florida (36), Adraste Gérémine (36), Emmanuel Villa (36), Jean-Baptiste Lepho (35), Pierre Oyac (34).

A la session extraordinaire du conseil municipal du 12 mars 1893, Adraste Gérémine est élu maire de la commune de Montsinéry. Son premier adjoint est Emannuel Villa.

Extrait du registre des naissances de Montsinéry (1894)

Extrait du registre des naissances de Montsinéry (1894) : clôture du registre comportant la signature du maire Gérémine ; le tampon « Tonnégrande-Montsinéry » correspond à une situation administrative antérieure (avant 1890). © Archives communales de Montsinéry-Tonnégrande.

 

 

Son mandat sera très court, puisque Gérémine décède le 16 janvier 1895 à 21 h au domicile de sa mère, sis rue du Collège. Le maire de Cayenne, Hippolyte Ursleur, son ami, prononce son éloge funèbre le 17 janvier 1895 au cimetière de Cayenne « au milieu d’un immense concours de population », éloge publié dans le Moniteur officiel de la Guyane française.

« Mesdames, Messieurs.

La mort de Gérémine est une perte pour le pays. Sorti des entrailles du peuple, il représentait, non sans distinction, la classe ouvrière dans la première assemblée locale. Se souvenant de son origine, il a poursuivi, en toutes circonstances, avec un dévouement et une ardeur dignes d’éloges, l’émancipation, par l’instruction, du parti ouvrier. Et lui-même, préchant d’exemple, s’efforçait de remédier à l’insuffisance de ses connaissances premières en suivant avec assiduité les cours d’adultes, dont nous devons l’intéressante création à un de nos gouverneurs les plus distingués, l’honorable M. Grodet. Un courant de sympathie attirait l’un vers l’autre ces deux hommes que devait unir plus tard une véritable amitié.

Le gouverneur actuel du Soudan, désireux d’attacher son nom à une œuvre de progrès et d’émancipation sociale, avait entrepris, avec une généreuse ardeur et un enthousiasme communicatif, de faire pénétrer l’instruction dans les couches profondes du peuple. Il avait, dans ce but, cherché autour de lui, parmi les représentants les plus autorisés de cette classe ouvrière dont il voulait le relèvement, des hommes actifs, intelligents et dévoués, capables de seconder son œuvre et d’en assurer le succès. Avec cette intuition particulière qu’il avait des hommes, il devina tout de suite que Gérémine était le collaborateur qu’il lui fallait.

Gérémine, en effet, caressait le même rêve de l’émancipation du prolétariat et suivait de loin, anxieux et fiévreux, les tentatives plus ou moins heureuses faites en Europe dans ce sens. Aussi fut-il vite séduit par les allures de ce gouverneur si bien disposé en faveur du peuple et dont chacun des cates était une marque d’intérêt donnée à la démocratie.

M. Grodet parti, Gérémine ne continua pas moins à mettre ses conseils en pratique et à s’inspirer de son exemple. Maire de la commune de Montsinéry, il s’attacha dans la lutte contre la laïcité à faire triompher les vrais principes du gouvernement républicain et fut assez heureux, grâce à son esprit conciliant et à ses manières persuasives, pour amener ses concitoyens à envoyer leurs enfants à l’école.

Ce n’est point là le seul titre qu’il ait à la reconnaissance de la commune qu’il administrait avec tant de sollicitude. Uniquement préoccupé des intérêts qui lui étaient confiés, il mettait à leur service tout ce qu’il avait de force et de dévouement. Ceux qui l’ont vu travailler au transfèrement du bourg de Montsinéry, de Toulouse à Viriot, savent avec quel intérêt il suivait l’exécution des travaux et quel empressement il mettait à donner satisfaction au vœu le plus cher de ses administrés. Ses voyages fréquents à Montsinéry et les fatigues qui en étaient la suite ne sont peut-être pas étrangers au mal qui l’a terrassé.

Projet de nouvelle mairie à Montsinéry, mis en œuvre par le maire Gérémine (1892). © Archives départementales de Guyane.

 

Parler de Gérémine, c’est faire son éloge. Mieux que personne, moi qui l’ai connu sur les bancs de l’école et qui l’ai vu à l’œuvre, comme collègue au conseil génétal et au conseil municipal, je puis rendre hommage à ses belles qualités de cœur et d’esprit.

Enfant, Gérémine montrait déjà ce qu’il devait être plus tard : un citoyen utile, doublé d’un honnête homme. Il a toujours eu le goût de l’étude et l’amour du travail. Intelligent et studieux, il a appris à l’école tout ce que l’on pouvait savoir de son temps. S’il avait eu comme tant d’autres le bonheur d’aller terminer ses études dans un lycée de la métropole, il serait devenu grâce à son intelligence éveillée et à son désir de s’instruire un sujet d’élite.

Quoiqu’il en soit, la Guyane a le droit de s’honorer de ce fils, qui n’a jamais eu d’autre ambition que d’aider, dans la mesure de ses moyens, à son relèvement et à sa prospérité.

Au conseil général, Gérémine se faisait remarquer par le souci qu’il avait de ses devoirs et un bon sens qui n’a jamais été pris en défaut. Dans les délicates fonctions de questeur qu’il a remplies pendant plusieurs années, il avait su se faire aimer et estimer de ses collègues, autant pour l’aménité de son caractère et l’urbanité de ses manières que pour sa parfaite correction et sa scrupuleuse probité.

Au conseil municipal, il a toujours apporté son concours à toutes les mesures utiles, à toutes les œuvres de progrès. Il s’y est aussi préparé à remplir plus tard dignement les fonctions de maire de commune de Montsinéry. Dans l’une et l’autre assemblée, il a donné l’exemple du travail et du désintéressement et s’est toujours montré un excellent collègue. Sa modestie donnait encore plus de prix à son mérite, qui était réel.

Une mort prématurée est venue brusquement l’enlever à l’affection de sa famille et de ses amis. Le pays tout entier regrettera ce fidèle serviteur, qui marchait dans la vie, soutenu par le sentiment du devoir et une foi inébranlable dans une humanité meilleure. Qu’il nous soit permis d’espérer que dans la génération qui se prépare et qu’il a contribué à former, il se trouvera des âmes fortement trempées, qui sauront s’inspirer de son exemple pour continuer l’œuvre de relèvement qu’il avait entreprise. L’un des premiers, il a démontré l’utilité du concours que les hommes du parti ouvrier peuvent apporter dans la direction des affaires du pays. Il appartient maintenant aux hommes de bonne volonté de se lancer résolument dans la voie qu’il a tracée et de marcher, de conquêtes en conquêtes, à l’union définitive de toutes les classes de la société et à l’avènement de ce que l’on a appelé le quatrième Etat.

Puissent les regrets qu’il laisse derrière lui apporter quelque adoucissement à la douleur de sa mère, dont il était la joie et l’orgueil !

Au nom de ses amis politiques, dont il n’a jamais trahi la cofiance et à qui, hier encore, il donnait une dernière preuve de fidélité et de solidarité, je salue respectueusement sa tombe et lui adresse un dernier adieu. »