INAUGURATION DE LA FETE DE LA SCIENCE, SAMEDI 16 FEVRIER 2017

Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Collectivité Territoriale de la Guyane,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elus et Membres du Comité de Bassin Guyane,
Mesdames et Messieurs les Membres du corps scientifique,
Mes chers compatriotes,
Madame la Ministre,

maire-patrick-lecanteC’est avec plaisir que nous vous avons accueilli aujourd’hui dans notre commune de Montsinéry-Tonnégrande, qui a fait de la protection de l’environnement et la préservation de la biodiversité ses objectifs prioritaires. Nous allons même au-delà puisqu’il s’agit pour nous d’une manière de vivre, une culture et plus encore, l’écoute des enseignements que nous transmettent nos anciens. Nos GANGAN. La forêt et toutes ses richesses vivantes sont notre patrimoine et nous vibrons avec elle.

Vous êtes ici dans la forêt amazonienne, la première forêt tropicale humide du monde composée de 390 milliards d’arbres appartenant à environ 16 000 espèces différentes. Le bilan du recensement qu’effectue le Museum National d’Histoire Naturelle sur les espèces de faune, flore et champignons, terrestres et marines, concernant l’ensemble des territoires français, en compte 153 576, dont près de 50%  en Outre-mer. Cette estimation met en lumière le poids de l’outre-mer dans la biodiversité nationale.

En Guyane, spécifiquement, ont été recensés plus de 5 500 espèces végétales, dont :

  • Plus d’un millier d’arbres ;
  • 684 espèces d’oiseaux, incluant une importante faune rapace (80 % des rapaces connus et encore présents dans les territoires d’outre-mer au début des années 2000) ;
  • 177 espèces de mammifères ;
  • Plus de 500 espèces de poissons ;
  • 09 espèces d’amphibiens.

Nous avons aussi des lamantins dans leur habitat naturel, ce qui m’amène à jumeler ma commune à celle de Le Lamentin en Guadeloupe, où le maire, mon collègue et ami Jocelyn SAPOTILLE, a réintroduit le manman dilo.

Ainsi, vous comprendrez combien la biodiversité et sa protection font partie de nos gènes.

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ayant été  définitivement adopté, de même que le principe d’une agence nationale, l’Agence Française pour la Biodiversité, nous pensons légitimement nous inscrire dans ce projet. Nous voulons que l’agence régionale à créer soit exemplaire et que son organisation, en Guyane, puisse inspirer toutes les autres régions : l’articulation entre les partenaires, la place de l’ONEMA, l’organisation des acteurs, parc national (Parc Amazonien de Guyane) et Régional (Parc Naturel Régional de Guyane), sur le terrain sont autant d’enjeux que nous connaissons bien et dont nous pouvons prouver rapidement le caractère opérationnel.

Compte-tenu de sa richesse et de la variété des espèces, l’Observatoire régional de la Guyane, l’OBAG, s’impose. Il doit permettre de mesurer et évaluer le maintien de notre richesse régionale, mais aussi de valoriser les espèces, garant de leur préservation.

Nous vivons au quotidien ces défis : vous avez pu observer sur l’écusson de la commune la présence d’huitres et de crabes. Nous consommons depuis des dizaines d’années les huitres qui poussent sur la rivière Montsinéry. Elles sont excellentes. Elles le sont tellement, que nombreux sont les guyanais de tous horizons à venir cueillir cette espèce fragile. Nous avons engagé une course contre la montre pour classer notre zone et garantir sa qualité sanitaire, et, dans le même temps, lancer un élevage (captage et grossissement). Cette  culture nous permettra de conserver cette espèce crassostrea gasar, et de ne pas la voir disparaitre par un pillage inconsidéré. Nous voulons aussi que cette initiative permette aux jeunes de la commune de travailler.

Tous les défis sont ici résumés : valoriser pour préserver, mais aussi faire profiter les populations locales des retombées de ces travaux. C’est notre volonté et notre fierté.

Mais il faut aller plus loin : il nous semble par exemple intéressant de lancer un concours d’entreprise avec des appuis spécifiques sur le thème de la protection de la biodiversité. Pourquoi ne pas développer des applications permettant de signaler et comptabiliser des espèces, ainsi que permettre à nos visiteurs de les reconnaitre ? Pourquoi ne pas promouvoir la première pépinière d’entreprises dédiée à la protection de la biodiversité ?

Vous aurez senti et compris notre passion pour ce sujet d’importance.

La terre de Guyane est riche de la diversité de ses peuples. Il y a ceux qui vivent ici depuis des millénaires, dans la forêt, nos frères et sœurs Amérindiens, qui, légitimement, doivent tirer bénéfice des avantages partagés de cette biodiversité, et il y a tous ceux qui sont venus de toutes les parties du monde. Bien sûr, le site du Bagne des Annamites de la crique Anguille, que vous avez visité cet après-midi, est le témoignage d’une autre époque… Mais le Village Chinois de Cayenne, qui a accueilli ses descendants, est devenu une autre racine, une autre composante des peuples de Guyane.

Nous sommes tous conscients de la beauté et de la richesse de notre patrimoine naturel. Cependant, un certain nombre d’incertitudes doivent encore être levées pour aboutir à la concrétisation de nos actions respectives :

  • Tout d’abord, le rôle dévolu au nouveau comité de l’eau et de la biodiversité, après concertation des actuels comités de bassin de tout l’outre-mer, comme vous avez su le faire pour nos homologues de France réunis en Conférence des Présidents, récemment dans votre ministère.
  • Par ailleurs, le financement de l’AFB, sans remettre en cause le principe de « l’eau paye l’eau » et « la biodiversité paye la biodiversité » avec la solidarité inter-bassin dont nous bénéficions pour financer nos grandes infrastructures, dont la Guyane a tant besoin. L’usine de potabilisation d’eau de Matiti pour l’agglomération du Grand Cayenne en est l’exemple récent. Ce ne sont pas moins de 175 millions d’euros de prélèvement prévus sur le budget des agences de l’eau qui sont en ligne de mire.
  • Enfin, la création d’une Agence guyanaise et sa localisation cohérente avec ce qu’apporte la biodiversité amazonienne, c’est à dire une part très substantielle du patrimoine français et mondial. C’est une nécessité, dans un contexte de changement climatique, qui impose un bouleversement de nos comportements issus du modèle économique « europeo-centré », tel que réclamé par la COP 21 de Paris.

C’est à ce prix que tous ensemble nous réussirons.

C’est tout le mal que je nous souhaite, car je reste convaincu des avancées de ce nouveau dispositif qui prend sa source,  sa racine dans deux idéaux que je partage avec vous, Madame la Ministre, de la possibilité des peuples à disposer librement de leur environnement naturel et celui de la démocratie participative et réelle, dans la République.

Car ne l’oublions pas, d’autres avant nous avait su tracer la sente de cet important travail de reconnaissance, en « jouant le jeu », comme le préconisait déjà Félix Éboué, en participant au sommet de la Terre à Rio sur l’environnement en 1992, il y a de cela 24 ans.

Vous ne vous êtes donc pas trompé, Madame la Ministre, en réservant votre premier déplacement à notre Territoire. Ici, au jardin botanique, crée en 1879 à Cayenne,  où se déroule cette très belle exposition de la « Fête de la Science en Eau » et des 20 ans de notre comité de bassin, lieu actuel de nos travaux.

Je vous remercie de votre attention.

Patrick LECANTE, 

Maire de Montsinéry-Tonnégrande, Président du Comité de Bassin de la Guyane,


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