Le réseau routier et les moyens de transports rendent aujourd’hui assez faciles les déplacements dans notre département. Il y a trente ans, c’était moins évident : peu de ponts ; des routes, aujourd’hui départementales ou nationales, non asphaltées voire inexistantes.

Il n’était donc pas rare de voir les préfets « visiter » les communes pendant plusieurs jours et faire le tour des sujets et des chantiers avec les élus municipaux, accompagnés des habitants.

Début janvier 1983, de retour de Saint-Laurent-du-Maroni, le préfet Claude Silberzahn fut ainsi reçu le temps d’un week-end par le maire de la commune de Montsinéry-Tonnégrande, le docteur André Lecante, qui avait organisé pour l’occasion un large programme de visites et discussions sur les dossiers en cours.

La visite du commissaire de la République fut préparée deux mois à l’avance : rédaction du programme en lien avec les services préfectoraux, invitations aux directeurs de services décentralisés, aux conseillers municipaux et acteurs économiques de la commune, etc.

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Lettre du 30 décembre 1982 du maire au directeur des Fabricants réunis de Guyane © Archives communales de Montsinéry-Tonnégrande.

Lettre du 30 décembre 1982 du maire
au directeur des Fabricants réunis de Guyane
© Archives communales de Montsinéry-Tonnégrande.

Le maire adressa un communiqué de presse aux médias guyanais.

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Le journal France-Guyane se fit l’écho de cette visite sur une pleine page dans son édition du vendredi 14 janvier 1983 (n° 665).

Le commissaire de la République a visité Montsinéry-Tonnégrande.
Des réalités industrielles, des espérances touristiques

Après Saint-Laurent et Matoury, c’est par Montsinéry-Tonnégrande que le préfet, commissaire de la République, M. Claude Silberzahn, a poursuivi le week-end dernier ses visites en commune. Il continuera son parcours samedi en visitant Mana, ce avant une longue trêve pour raison d’élections.
Montsinéry-Tonnégrande, qui, dimanche dernier, a fait l’objet d’une étude par le détail, bénéficie de cette situation enviée d’être à la fois dans la proximité de Cayenne et de s’ouvrir largement à la chose rurale. Rien d’étonnant donc si ses secteurs d’activité comportent simultanément un niveau industriel – l’industrie du bois s’y illustre de façon réussie – et un niveau agricole – on y projette la mise en valeur de la zone agricole « Banane ». De surcroît, le tourisme est ici une activité qui ouvre de très sérieuses espérances : VVF et Centre d’initiation aux activités de pleine nature, deux projets en bonne voie, sont là pour en attester.

Le constat s’impose de lui-même : voici une commune dynamique qui a su, en appliquant la théorie du développement intégré, palier des faiblesses telles la distance au centre administratif et commercial qu’est Cayenne, la modestie de sa population, son éloignement du grand axe littoral. La poursuite du développement dans laquelle sont engagés le docteur Lecante et son équipe municipale vise essentiellement à retenir les « enfants du pays ». C’est louable…

Montsinéry et Tonnégrande. Deux bourgades en dehors de l’axe routier Cayenne-Saint-Laurent. Deux trous perdus, pour qui regarde superficiellement les choses. En vérité, ici et là, un formidable appétit de développement, une volonté qui doit exister ailleurs que dans la seule municipalité de créer, de prendre de l’expansion, d’être pleinement, en un mot.

Pour un développement intègre

C’est cette unité administrative qu’a visitée dimanche dernier – tandis qu’à Cayenne l’on menait grand tapage carnavalesque – M. Claude Silberzahn, le préfet, commissaire de la République de Guyane. La visite a été entamée par l’unité de production de bois « Fabricants réunis de Guyane ». Une entreprise qui se distingue dans un secteur particulièrement remis en question actuellement par sa relative réussite.

Après un second arrêt sur une exploitation agricole de « Risque-Tout » et la visite du centre émetteur de Radio France Internationale (voir encadré), M. Silberzahn a participé à la mairie de Montsinéry à une séance de travail à laquelle ont été associés différents chefs de services du département : M. Magnien pour le Temps Libre, M. Courbois pour l’Agriculture, M. Maurice pour l’Equipement.

M. Lecante, le maire de Montsinéry-Tonnégrande, reconnaît que des progrès ont été effectués ici : les bourgs étaient, il y a peu, isolés du reste du monde, dépourvus d’eau et d’électricité, reliés seulement par radio. Les équipements, aujourd’hui disponibles, permettent d’envisager l’avenir de façon cohérente.

Cette cohérence-là, elle tient dans la bouche du maire de Montsinéry-Tonnégrande, dans une théorie : le développement intégré. Il s’agit tout simplement d’utiliser au mieux des intérêts de la communauté les potentialités locales. Ainsi, le patrimoine culturel est déjà potentiellement l’objet d’une exploitation réaliste ; il existe ici une église et une mairie qui ne manquent pas d’être originales. La première mériterait quelques réparations que la municipalité souhaite voir prendre en charge par l’assemblée départementale, la seconde est de style créole. Cela et le reste peuvent entraîner un bon en avant par le biais du tourisme.

Le reste, pour ce qui concerne la chose publique, c’est le VVF en projet tout comme le centre d’initiation aux activités de pleine nature. Il reste encore comme richesses locales potentielles un secteur agricole qui est appelé à s’enrichir d’une mise en valeur de la zone « Banane » et une unité industrielle du bois dont on reparlera. Le maire a évoqué devant le commissaire de la République nombre de tracasseries habituelles aux petites communes : le lotissement qui tarde à être érigé, le problème de la participation communale à des travaux d’électrification et d’adduction d’eau, les obstacles mis à l’extension d’un bourg, la réfection d’un chemin départemental et maintes petites choses que l’on aimerait voir régler au plus tôt.

Le maire André Lecante aux côtés du préfet. © Archives départementales de Guyane.

Le maire André Lecante aux côtés du préfet.
© Archives départementales de Guyane.

Le lotissement communal : un intolérable retard

La population de Montsinéry-Tonnégrande commence à s’impatienter sérieusement devant le retard pris dans la construction du lotissement communal à l’entrée du bourg de Montsinéry. Dans l’esprit de la municipalité, telle réalisation permettra de fixer résidentiellement les enfants du pays. Le projet comporte vingt-quatre parcelles dont dix au moins seront attribués à des gens de l’endroit.

Le retard s’explique, ont indiqué la DDA, M. Courbois et son adjoint, M. Suzini, de ce qu’il existe un litige avec la société chargée du remblai. Celui-ci ne respecterait pas les côtes, côté marécage. La solution au problème posé – on prend du retard – serait de prendre des mesures coercitives à l’encontre de ladite société et la décharger du contrat. C’est ce que propose la DDA qui estime que les travaux à effectuer encore à ce niveau se chiffrent à 60 000 francs. Bien que la municipalité hésitât à se décider, il semble qu’il existe aujourd’hui une nouvelle détermination, née de la certitude de pouvoir néanmoins lancer les travaux de construction proprement dits, sur environ treize lots. Pour le reste, l’adduction d’eau est terminée, l’électrification pratiquement.

Mise en valeur de la zone agricole « Banane »

La municipalité de Montsinéry-Tonnégrande avait estimé, en recevant la dotation pour la mise en valeur de la zone « Banane », que cette manne serait plus profitable si elle est utilisée à des équipements collectifs au lieu d’être destinée à une ou deux grandes exploitations. L’assemblée départementale l’a suivie là-dessus.

Le problème posé d’un risque de gel des actions Caisse nationale de l’énergie prévues être utilisées pour financer le projet n’existerait plus. Toutes ces actions, propriété du département, seraient aujourd’hui réalisées. Ainsi donc, on ne craint plus rien à propos du retard qu’a pris le projet. Il ne reste plus à ce niveau qu’à attendre la délibération du conseil général quant au programme des travaux à effectuer dans la zone agricole « Banane ».

Le VVF : une première tranche fonctionnelle en 1983

On prévoir actuellement que la première tranche du VVF de Montsinéry sera fonctionnelle en 1983. Le montant des travaux est fixé à 4 millions de francs soit moins de 50 pour cent de la réalisation totale. Le VVF, ce sera 54 lits répartis à raison de six unités bungalows. On dit le projet luxueux : bungalows doubles avec terrasses, couvertures en wapa, aire de jeu collectif, baignade en eau vive et plage suspendue, ventilation naturelle. La commune doit apporter pour la réalisation de ce projet le terrain et trouver les financements nécessaires.

Ce qui est acquis, c’est la participation communale par emprunt à la CAF (15 pour cent), la participation du ministère du Temps libre (15 pour cent). Reste à trouver les 40 pour cent manquants. Le conseil régional est saisi, et l’on s’interroge pour savoir où trouver les financements : FIDOM départemental ? Secrétariat d’Etat ?

Maquette du projet de VVF © Archives départementales de Guyane.

Maquette du projet de VVF
© Archives départementales de Guyane.

Le centre d’initiation aux activités de plein air que l’on projette de construire à Tonnégrande devrait voir le jour en 1983. La commune dispose d’une somme de 100 000 francs sur le SIVOM et de 400 000 francs sur la CAF pour financer ce projet dont le montant est de un million de francs. La commission nationale du sport doit examiner bientôt la demande de financement déposée pour ce projet dont la destination est socio-culturelle et promet la pratique de sports nautiques comme le canoë-kayak. On pense que la réponse sera positive.

Les autres projets.

Le pont du Tour de l’Ile : Sa construction est prioritaire en 1983 a rapporté M. Maurice, le DDE. Bien qu’on ne puisse pour l’instant disposer de plus de détails, les travaux devraient être entamés dans le courant du second trimestre. Le projet, agréé, devrait être financé sans mal.

Concernant la plage suspendue du VVF, dont est responsable également la DDE, on a appris à l’occasion de cette séance de travail que le projet sera terminé dans deux mois. On attend la décision de financement de la deuxième tranche de travaux (valeur : 250 000 francs).

Le terrain de football de Montsinéry pose également problème quant à sa finition. Le maire de la commune a fait état de l’impatience de sa jeunesse. Qu’importe, il lui faudra prendre son mal en patience, l’engazonnement tarde à venir…

On a évoqué également nombre de points concernant plus particulièrement Tonnégrande. La route y menant, l’extension du bourg notamment sont des préoccupations très actuelles. La route, on l’a vue : en travaux, pleine d’ornières. Quand sera achevée sa réfection, quelle solution va-t-on trouver au problème des terrains sis de part et d’autre de son tracé et qui sont inondés ? M. Maurice a promis d’interroger ses services.

L’extension du bourg : une somme de 160 000 francs a été mise en place pour ce faire. Mais, a indiqué le maire, le bourg doit être préalablement construit. On s’y emploie actuellement. Du reste, l’extension n’est pas chose acquise : il semble qu’en état des choses, l’accord conclu avec le propriétaire des terrains visés pour l’extension ne puisse pour des raisons devant lesquelles la municipalité est impuissante se faire. Le temps presse pourtant : faute de conclure avant la fin du premier trimestre, il sera difficile voire impossible de déposer d’autres demandes de subvention relatives au même objet.

En projet également, la construction d’une nouvelle cale inclinée et celle d’un appontement. On souhaite à Montsinéry dans le premier cas que la région prenne à charge le financement. A voir…

La multiplicité des questions débattues samedi à Montsinéry, la masse de projets que caresse sa municipalité sont autant d’éléments confirmant une opinion émise par M. Silberzahn : Cette commune est particulièrement dynamique. Par ailleurs, ici, le niveau de collaboration avec les services relevant de l’administration préfectorale est remarquable. Côté administration, on ne semble vouloir que s’en louer et souhaiter de poursuivre dans cette voie…
Le programme de la visite du commissaire de la République s’est poursuivi l’après-midi de dimanche par des visites des chantiers de Montsinéry, d’une exploitation agricole de la zone à vocation banane et la présentation d’un chantier d’électrification. A Tonnégrande, M. Silberzahn a visité l’école appelée à se transformer en centre d’initiation aux activités de pleine nature et la cale inclinée.

G. Bertrand.

Le centre émetteur de Radio-France International

Radio-France International fait construire actuellement dans les environs de Montsinéry, un centre émetteur qui devra couvrir l’Amérique du Sud et les Antilles.

Les travaux visent à la construction des bâtiments abritant le matériel propre permettant le fonctionnement de six émetteurs au total, ont débuté en juillet 1982, après un retard au démarrage pour cause climatique. La première tranche opérationnelle – trois émetteurs, la quatrième étant déjà financée – sera livrée dans le courant du premier trimestre 1984.

Le site choisi par Radio-France est une plaine. Il fallait, en effet, pour que le signal passe une surface uniforme de 60 ha. Les émetteurs, d’une puissance de 500 mégawatts chacun, auront de la sorte la meilleure portée possible. Le centre émetteur de Montsinéry jouera comme un relais à partir des émetteurs de Troubiran.

M. Bell, de Radio-France, est chargé de suivre sur place les travaux. Sont visibles actuellement sur le site les débuts de la construction des bâtiments et des fouilles pour l’implantation des émetteurs.

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Présentation des chantiers © Archives départementales de Guyane.

Des petits bourgs bien tranquilles mais dynamiques

Deux petits bourgs situés chacun à proximité d’une rivière. Se rappeler que la première voie de communication ici a été le cours d’eau. Montsinéry est donc sur le cours de la rivière Montsinéry et Tonnégrande sur le cours de la rivière… Tonnégrande. Cette position est aujourd’hui exploitable : le VVF, le centre d’initiation aux activités de pleine nature sont des projets qui tirent avantage de l’élément aquatique.

On a peut-être l’impression qu’il ne se passe rien à Tonnégrande. La bourgade est un cul-de-sac où l’on parvient après quelques kilomètres de mauvais chemins. Pourtant, il y a néanmoins quelque plaisir à en faire la découverte : une petite église autour de laquelle est organisé un groupe d’habitations, la rivière voisine, tout cela respire la tranquillité. Le lieu idéal pour se guérir quelque temps des bruits de la ville.

Montsinéry, bien que de petites dimensions également, c’est déjà autre chose. Et pour commencer, l’on y renifle l’odeur de l’exploitation touristique. Il y a là quelques restaurants où l’on mange, dit-on, d’excellentes huîtres introuvables ailleurs. Le charme du lieu est rehaussé par la proximité d’une rivière qui ne manque pas de majesté et dont on sait qu’elle demeure un axe important, une sorte de cordon avec le reste du pays.

Ces bourgs, si l’on s’en tient aux chiffres, ont perdu une partie de leur population. Celle-ci passe en effet de 395 à 358 habitants entre les deux recensements. A la vérité, ce qui s’est perdu en militaires – ceux du Gallion – s’est gagné en agriculteurs.

Montsinéry-Tonnégrande se distingue particulièrement par son dynamisme en matière d’élevage. Son cheptel bovin représente de 10 à 12 pour cent de la totalité du département, et l’on élève ici également des porcs, des poules et des chevaux. Pour ce qui est des cultures, ce sont les agrumes qui sont essentiellement produits.

La zone de la crique Banane donne l’exemple d’une expérience d’aquaculture dont il conviendra que l’on s’y arrête : 7 bassins d’élevage tirent leur eau d’une crique approvisionnée toute l’année.

Le problème essentiel de la municipalité est on peut le deviner d’ordre financier. A petite population, petit budget… D’où la nécessité de se développer ici démographiquement, au moyen s’implantation, s’il le faut. On fait plus qu’y penser. Il s’agira d’une implantation à impact économique garanti. Le secteur d’activité visé est l’agriculture.

G. B.

Le préfet Claude Silberzahn exerça ses fonctions du 26 juillet 1982 au 19 septembre 1984, puis, après avoir occupé les fonctions de préfet de Haute-Normandie et de Franche-Comté, fut directeur de 1989 à 1993 de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Depuis 2001 il est maire de la commune de Simorre dans le Gers.